Henri Zoghaib à la Revue Phénicienne
Octobre 2011

Octobre 2011

HENRI ZOGHAIB

«Libanité à la Charles Corm»

Et par “Libanité” j’ “homonymie” Nationalité.
Celle-ci on l’acquiert par naissance ou par volonté. Celle-là on la mérite.
En re-pensant la littérature libanaise des années 30 et 40 du siècle dernier, je me trouve plus adéquat à mon pays, bien plus que je ne m’y trouve depuis les soixantaines passées et les années qui s’en suivirent.
Les courants politiques qui envenimèrent ma génération par leurs idéologies locales (?) ou “importées” (!), se reflétèrent sur la littérature qui se trouva, implicitement, miroitée dans les écrits de mes collègues, poètes ou écrivains, peu “libanistes” et trop “arabisants”, ce qui créa en moi une contre-réaction, me vouant plus profondément à me consacrer pour soutenir la flamme bénie, tant soutenue par nos poètes et écrivains libanais de coeur et d’expression.
À lire un Charles Corm, à lire ses collègues de ce bon vieux temps, on se sent d’une fierté extrême d’appartenir à ce pays unique qu’est le Liban, à son territoire tant hachuré, à son peuple tant secoué, et surtout à son patrimoine qui remonte jusqu’à l’aube de l’Histoire.

***

J’ouvre en vrac. Je lis de Charles Corm:

Vieux Liban, toujours jeune, et toujours souriant
Je suis fait de ta glèbe et pétri de ta roche
De l’azur de ton ciel où je monte en priant
Et de tes bons gaillards sans peur et sans reproche.

Liban au front brillant de neige et d’idéal
Et qui baignes tes pieds dans un flot de cristal
Ô Liban deux fois saint de mon père et ma mère

Liban sans cesse en fleurs et débordant d’amour
Je te suis à jamais, Ô Liban de lumière,
Plus que reconnaissant de te devoir le jour !

Liminaire – Médaillons en musique de l’âme libanaise

J’ouvre son autre chef-d’oeuvre La Montagne Inspirée. Je lis:

Cèdres, cèdres de Dieu, qui dira, qui peut dire
Votre auguste noblesse et votre majesté
Vous qui vîtes couler d’innombrables empires
Sous votre éternité.

Et comment ne pas apprécier la note que Corm tint à mentionner avec chaque chapitre de son livre, et qui lit : “Traduit du Libanais” ?
Ce souffle qui émane du coeur de Corm et de tous les “Libanais” à la Charles Corm, est pour moi le souffle qui fait battre mon coeur, et qui fait couler le sang dans mes veines, sans lequel mon existence serait expatriée.

Cette extase de l’âme pour l’amour du Liban, qu’on trouve souvent chez les “croyants” dans le temple de notre pays, s’inonde incessamment par des poèmes et des textes qui font, à eux seuls, la “nationalité” libanaise dite “Libanité”.

Voici une de ces prières, qu’on trouve abondante chez Nadia Tueni :

Mon pays longiligne a des bras de prophète
Mon pays où la vie est un pays lointain
Mon pays qui s’éveille, projette son visage sur le blanc de la terre
Mon pays qui, d’un trait, refait le paysage
Mon pays difficile tel un long poème
Mon pays bien plus doux que l’épaule qu’on aime
Mon pays que ta pierre soit une éternité
Mon pays qui voyage entre rêve et matin

Liban, 20 poèmes pour un amour.

***

Et je choisirais des milliers de textes, en poèmes et en prose, qui subliment notre beau Liban, le Liban de l’histoire, de la géographie, du patrimoine. Et il ne sera jamais assez.
Le Liban, ce “message” tel que le Pape Jean Paul II le définit, est bien plus qu’un pays, bien plus qu’une patrie, bien plus qu’un état.
Le Liban est un destin, une destinée et une destination.
Un destin divin qui nous a été livré.
Une destinée humaine qu’on doit cultiver.
Une destination vers le beau, le bien et l’éternel.

***

C’est un peu ce que je voulais désigner par Libanité, homonymant Nationalité.
Car, et je réitère : la nationalité on l’acquiert par naissance ou par volonté. La Libanité, on la mérite.

©Les Éditions de la Revue Phénicienne, 2011

Henri Zoghaib, poète libanais, a publié plusieurs ouvrages de poésie et prose. Il est actuellement le directeur du Centre du Patrimoine Libanais à la LAU, et le rédacteur en chef de Cedar Wings, la revue de la MEA. Son programme radiophonique à la Voix du Liban commente les évènements nationaux socio-culturels, et discute des livres qui portent sur le Liban et ses aspects patriotiques. Son éditorial hebdomadaire du Samedi au journal An Nahar, porte sur des sujets littéraires libanais et internationaux. Quelques unes de ses oeuvres ont été traduites en français, en anglais et en allemand. Ses conférences multiples au Liban et ailleurs miroitent sa conviction d’un Liban éternel riche par ses auteurs dévoués à diffuser le legs du Liban dans le monde ancien et contemporain.

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